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CLASSIQUE / TRADITIONNEL

LA MUSIQUE RUSSE ET LE GROUPE DES CINQ

L’histoire de la musique savante russe est récente. La première œuvre importante date de 1836 : Une Vie pour le Tsar de Glinka. Le réveil de la musique russe va être brutal. En quelques années, de grands noms surgissent comme Rimsky-Korsakov, Moussorgsky et Borodine. Du Vol du bourdon à Une nuit sur le Mont Chauve en passant par le Prince Igor, nous voilà plongés au cœur d’une musique puissante et évocatrice...


UNE MUSIQUE FOLKLORIQUE RICHE ET VARIÉE

Il aura fallu seulement un demi-siècle pour que la musique russe se hisse au tout premier plan des grandes nations musicales. Elle exercera même une influence certaine sur les autres états en étant à l'avant-garde des nouveaux courants annoncés par le 20e siècle (avec Prokofiev et surtout Stravinsky).

Avant Glinka, la Russie était une puissance musicale en sommeil, même si sa musique populaire connaissait un prodigieux développement : riche et variée en raison de l'étendue du territoire englobant des provinces très diverses, elle a grandi parallèlement à la musique savante. Dans les chants comme dans les danses, son folklore s'est transmis jusqu'à nous. Aujourd’hui, ses mélodies tantôt gaies, entraînantes ou nostalgiques sont populaires dans le monde entier.

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La musique folklorique russe se voulait essentiellement vocale, subissant l’influence de la religion. Il faut savoir que le plain-chant dans la religion orthodoxe exclut toute intervention d'orgue, d'où l'importance des chœurs et de ces voix graves qui suppléent aux accords de l'instrument. Mais au cours du 17e siècle, la musique vocale connut un autre essor au détriment de l'instrument, lorsque, en 1647, le patriarche du Tzar Alexis ordonna par décret la destruction de tous les instruments. « On brûla en grande pompe sur les bords de la Moscova cinquante chariots pleins de domras, sournos ou flûtes » (1)

Le peuple russe avait un goût très marqué pour les divertissements, jeux, bouffonneries. On dansait, on jouait, un peu comme dans les ballets de cour français, malgré les réserves de l'Église qui, depuis le Moyen-Âge, voyait dans la musique une émanation de l'enfer. Cet attrait pour la danse et les ballets expliquera plus tard le goût du public russe pour l’opéra.

1 - Hoffmann, La musique en Russie (Éditions des Jeunesses Musicales).


LA MUSIQUE RUSSE AU CONTACT DE L’OCCIDENT

La musique savante russe naît des contacts avec la musique occidentale grâce aux musiciens étrangers qui rendent visite à la cour impériale pour des concerts. Au milieu du 17e siècle apparaissent les premiers clavecinistes et chanteurs. Puis des troupes passent et s'installent à Moscou sous Pierre le Grand, la grande Catherine et Paul Ier en particulier. Dès le début du 18e siècle, on entend des œuvres de Corelli et de Telemann.

L'opéra s’installe solidement. Ordre est donné de fonder " l’École Impériale de Théâtre " en 1730. L'opéra italien triomphe d'abord. Paesiello, Martini, Cimarosa se succèdent à la Cour, composent et font jouer des opéras italiens dans la pure tradition du 18e siècle. Mais lentement, l'opéra italien s'achemine vers un opéra russe : russe dans la langue d'abord, il le devient bientôt dans les sujets qui mettent en scène quelques héros du pays. Puis, des musiciens russes, élèves des Italiens, s'essayent à la composition, tandis que d’autres comme Titov et Verstovsky introduisent les thèmes populaires de leur pays.

Au début du 19e siècle, les influences allemandes et françaises se font sentir ; avec Boiëldieu, l’opéra français prendra même un moment la place de l'opéra italien. Malgré ces essais, il manque à l'opéra russe un maître et une âme ; sa musique n'a pas encore produit une œuvre vraiment marquante et ne s'est pas détaché suffisamment du style italien.

En même temps, la musique religieuse connaît un développement semblable. Des Russes travaillent en Italie, avec Martini en particulier. De retour au pays, ils composent des œuvres qui unissent admirablement la technique occidentale et un style orthodoxe rigoureux. Bortniansky y excella et fut certainement le premier grand compositeur russe.


GLINKA JETTE LES BASES DE LA MUSIQUE RUSSE

« Qu'on sorte le dernier paysan de son isba et qu'on le conduise au théâtre voir jouer l'œuvre de Glinka : il reconnaîtra avec émotion, il verra vivre devant lui l'image de cette patrie dont il a, au fond du cœur, l'amour inné. » (2)

Michel Glinka

À Glinka revient le mérite d'avoir jeté les bases d'une musique nationale à travers laquelle il voulait que le peuple russe se reconnût. « Nous sommes des arrangeurs au service du peuple. », « Par les liens légitimes du mariage, je voudrais unir le chant populaire russe et la bonne vieille fugue d'Occident. » C'est ainsi que dans ses opéras on remarque autant de sujets nationaux que de thèmes populaires - gardant dans l'harmonie leur caractère modal - ou des chœurs symbolisant le peuple et constituant de véritables personnages.

Dans son premier opéra, Une vie pour le Tsar, on sent encore l'influence italienne, alors que pour le second, (Rouslan et Ludmilla), d'une valeur musicale souvent supérieure, ce dernier est desservi par un livret médiocre.

Michel Glinka est né en 1804 près de Smolensk et mourut à Berlin en 1856. Il passa quelques années à Berlin, où il étudia les mélodies nationales. Outre ses deux opéras, Glinka a composé des ouvertures, des pièces de musique de chambre, des chœurs, des mélodies, etc.

Le compositeur Dargomizski (1813-1868) sera le continuateur de Glinka. Il aura une influence considérable sur plusieurs jeunes musiciens qui se réuniront chez lui pour former « le Groupe des Cinq ».

2 – Saint-Marc-Girardin. Cité par Hoffmann dans son ouvrage La musique en Russie.


LE GROUPE DES CINQ

Balakirew, César Cui, Borodine, Moussorgsky et Rimsky-Korsakov, sont les cinq noms qui vont marquer d'une façon ou d'une autre le renouveau de la musique russe.

BALAKIREW (1837-1910)

Il est le fondateur du groupe. De son œuvre de compositeur, il ne reste pas grand-chose : une ouverture, Le Roi Lear, un poème symphonique, Tamara, une fantaisie orientale, Ismaley. Il ignorait à peu près tout de l'harmonie. Pourtant, il exerçait un pouvoir extraordinaire sur ses amis.

CÉSAR CUI (1835-1918)

Plus connu pour son « Traité de la Fortification des Camps » (il professait l’art militaire) que pour son œuvre musicale, il précisa dans un manifeste les principes esthétiques du groupe.

MOUSSORGSKY (1839-1881)

C’est lui qui réalisa pleinement l'idéal des cinq : créer un art authentiquement national. Boris Godounov est de tous les opéras russes celui à travers lequel on lit le mieux l'âme du peuple.

Moussorgsky doit tout à son génie : en partant de connaissances musicales réduites qu'il développa par des efforts personnels (c'est le véritable type de l'autodidacte), et en écoutant les chants du peuple russe, ceux de l'Église orthodoxe, il se forgea un langage personnel qui dérouta ses amis.

On déplora dans son œuvre des insuffisances techniques : ses censeurs se montrèrent alors de véritables ignorants. Aujourd'hui, on salue en Moussorgsky non seulement un musicien en avance sur son temps, mais encore le plus grand génie naturel du monde musical russe. On lui doit surtout Les Tableaux d’une exposition et Une nuit sur le Mont Chauve.

De G. à Dr. : Balakirew, Cui, Moussorgsky, Rimsky-Korsakov et Borodine

RIMSKY-KORSAKOV (1844-1908)

C'est le pédagogue du groupe. Connaissant à fond la technique musicale, orchestrant à merveille, dévoué, il donnait des conseils et aidait ses amis. Korsakov orchestra plusieurs pages du second opéra de Moussorgsky, acheva certains passages du Prince Igor qu'il édita et révisa Boris Godounov.

C'est le savant des cinq, mais il apprit à peu près tout lui-même lorsqu'il fut nommé professeur de composition au Conservatoire de Saint-Pétersbourg, où il eut comme élève Stravinsky.

Ses œuvres ne sont pas une réussite humaine au même titre que celles de Moussorgsky, et si on est en admiration devant leur perfection, on déplorera l'absence de chaleur et d'émotion. En parlant de La Grande Pâque russe, Ravel a dit : « C'est un chef-d'œuvre sans musique ». Ce jugement pourrait s'appliquer à de nombreuses pages de Korsakov sans toutefois altérer les merveilles que sont Sadko, Sniégourotchka, Kitège, Le Coq d'Or, parmi ses nombreux opéras.

Son œuvre, très colorée, traduit à merveille l'enchantement des clairs de lune, le ruissellement d'un cours d'eau, de la nature (Le vol du bourdon) ou la chaleur d'une légende orientale (Le Chant Hindou). Sa musique symphonique tient aussi une place importante : il a composé la première symphonie russe et ses poèmes symphoniques (La Grande Pâque Russe, Schéhérazade) sont également des œuvres très populaires.

Après la dislocation du groupe, Rimsky-Korsakov fut le chef de file d'une école de jeunes qui cherchaient en lui un maître. Parmi eux, Glazounov.

BORODINE (1834-1887)

Il avait du génie et de la technique, un peu du génie de Moussorgsky, beaucoup de la science de Korsakov. Le temps seul lui manquait ; son métier de chimiste, sa bonté qui ouvrait toute grande sa maison aux malades et aux mendiants, ne lui permirent pas de donner une œuvre très importante. Ce fut un « amateur » au vrai sens du mot.

Son opéra Le Prince Igor, sur lequel il se pencha durant dix-huit ans et qu'il n'acheva pas, est dans l'esprit de ceux de Glinka et de Moussorgsky, une magnifique fresque slave et orientale où le peuple, à travers les chœurs et les danses, joue le rôle essentiel.

Sa musique symphonique (trois symphonies) et sa musique de chambre ne font pas oublier son œuvre populaire : Dans les steppes de l’Asie Centrale (poème symphonique).


À L’OPPOSÉ DES CINQ…

Face à ce groupe profondément nationaliste, on trouve divers compositeurs, dont César Cui disait à propos de l’un d'eux : « Ce n'est pas un compositeur russe, mais un Russe qui est compositeur. »

Tchaïkowsky

Tchaïkowski

SÉROV (1820-1871) est un compositeur à l’esprit indépendant, un admirateur de Wagner qui a laissé trois opéras et un Stabat Mater.

RUBINSTEIN (1829-1894) fut avant tout un virtuose de piano. Il eut pour fierté de rivaliser avec Liszt. Il fonda le Conservatoire de Saint-Pétersbourg (Petrograd).

TCHAIKOWSKI (1840-1893). On ne peut pas plus lui reprocher de s'être tourné vers l'Occident que le taxer de nationalisme. C'est un compositeur dont l'œuvre reflète tantôt l'âme slave (1re Symphonie en Sol mineur), tantôt un musicien familiarisé avec l'esprit et les formes du langage de Beethoven, Wagner ou Brahms.

On le connaît davantage pour sa musique de ballet, ses symphonies ou ses concertos, que pour ses opéras. Après Delibes, il a redonné un nouveau visage à la musique chorégraphique en attendant Stravinsky. On écoute toujours avec plaisir ses trois grands ballets : Le Lac des Cygnes, La Belle au Bois Dormant et Casse-Noisette.

De ses six Symphonies, la dernière est la plus connue : La Symphonie Pathétique.

Par CH. W. (Cadence Info - 01/2016)

À CONSULTER

MICHEL GLINKA OU L’ÉVEIL DE LA MUSIQUE RUSSE

Le compositeur russe Michel Glinka occupe une place essentielle dans le développement de la musique de son pays au cours du 19e siècle en devenant le précurseur du "Groupe des Cinq" grâce à des œuvres directement inspirées de musiques traditionnelles.

MODESTE MOUSSORGSKI, BIOGRAPHIE EN FORME DE PORTRAIT

Ses deux opéras le placeront auprès de Monteverdi, Wagner, Debussy. Sans souci des formes et du langage traditionnel, il créera le drame humain dans lequel il campe l'homme tel qu'il est. Chez lui, la musique se confond avec la vie quotidienne d'alors...


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